Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/71

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— Et qu’est-ce qui te resta dans l’esprit ? interrogea encore Mme Canada.

— Dans l’esprit ? Cette enfant-là est une singulière créature, quoi ! Je sentis en moi quelque chose comme si j’avais tué un homme ou que je lui aurais arraché son cœur. Et, en somme, M. Reynier ne m’avait jamais fait de mal, au contraire.

— Tu n’étais donc pas bien sûr qu’il était fautif ?

— À ce moment-là, je ne savais pas encore, mais tu vas voir. Je m’en allai avec ma lunette. Le patron n’était pas encore rentré. En l’attendant, je voulus voir une dernière fois le chalet de Saint-Mandé.

La toile était baissée et le spectacle fini ; on avait fermé la fenêtre.

J’eus mes cent francs. Je voulus me payer un dîner fin ; mais l’appétit manquait. M. Reynier me revenait toujours. C’était un joyeux jeune homme autrefois ! et si bon ! On ne distingue pas bien comme il faut dans les lunettes d’approche ; mais quant à avoir reconnu son teint blanc et sa belle barbe, ça ne faisait pas de doute. Pourtant…

— Tu avais déjà l’idée que c’était le cavalier Mora, pas vrai ? interrompit ici maman Canada.

Échalot resta bouche béante à la regarder.

— Tu me pénètres donc à l’intérieur de l’âme, Léocadie ? s’écria-t-il.

— C’te bêtise ! fit-elle. Ça saute aux yeux. Comment