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XXIV

Le rêve d’Edmée.


Dans cette pauvre chambre, où la lampe, triste, éclairait naguère le travail de la malade, il y avait deux personnes maintenant : Mme Leber, étendue sur son lit, et sa fille Edmée, assise près du chevet. La lampe brûlait toujours, répandant sa lueur économe dans ce petit intérieur d’une propreté flamande, mais qui respirait je ne sais quelle mélancolie découragée. Il n’y avait rien là dans le mobilier ni dans les rares objets d’ornement qui indiquât une fortune perdue ; tout était décent, mais médiocre, tout, excepté un très beau brassard d’acier ciselé, appartenant à l’art du quinzième siècle, qui était posé sur la modeste commode et recouvert d’une baudruche très transparente.

Sauf cet objet, qui contrastait avec tout ce qui l’entourait, l’opulence passée n’avait point laissé de débris. Il y avait des années qu’elle était morte, et comme il arrive après les catastrophes commerciales, quand le vaincu est homme d’honneur, on avait rompu complètement et tout d’un coup avec les aises de la vie ; on s’était fait pauvre résolument et franchement.

Nous pouvons parler désormais sans réticences, puisque M. Bruneau nous a dit le vrai nom de la famille Leber. Edmée et sa mère étaient tout ce qui restait de cette maison Bancelle, l’orgueil et l’envie de la ville de Caen, la riche maison de banque, la maison de banque qui avait hôtel, château et carrosses !