Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/171

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recteur d’assurances, ni concierge, ni soumissionnaire des fournitures pour hôpitaux, fondez l’agence Lecoq et garez-vous du procureur impérial !

Depuis longtemps, il ne nous a pas été donné de voir M. Lecoq face à face. Nous avons eu à prononcer son nom très souvent, et le lecteur sait que, depuis l’époque où il plaçait, en province, les caisses à secret et à défense de la maison Berthier et Cie, M. Lecoq a fait brillamment son chemin, mais c’est un spectacle intéressant et toujours nouveau que d’assister aux transformations opérées par l’âge dans une riche nature. Telle jeunesse un peu orageuse mûrit en virilité splendide.

C’est donc avec l’émotion d’un légitime orgueil que nous présentons ici M. Lecoq transfiguré, à nos amis et à nos ennemis : M. Lecoq de la Perrière, chevalier de plusieurs ordres. Je n’ai pas inventé cet homme d’imagination et de cœur, c’est vrai ; il est l’œuvre de Dieu qui créa toutes choses, mais il me semble qu’une partie de son lustre va rejaillir jusqu’à mon front et chacun cherche à tirer parti de ses illustres connaissances.

Nous sommes loin du commis-voyageur, doué d’un certain brio, mais entaché du détestable goût qui pestifère cet élément social. M. Lecoq n’avait certes pas pris ces manières de l’ancien régime dont la Comédie-Française fait si bien la caricature, il ne secouait pas son jabot, il ne tournait pas sur le talon, il ne jetait pas sous son bras un claque de voltigeur centenaire, à quoi bon renier son siècle et les bienfaits de 89 ? Mais M. Lecoq avait la grande mine d’un Titan de la Bourse. L’odeur de pipe n’est pas incompatible avec cela. Il y a dans ce mâle parfum quelque chose qui parle des conquêtes modernes.