Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/173

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passait la quarantaine ; mais il était conservé parfaitement et semblait être encore un jeune homme, malgré le faisceau de petites rides que son caractère joyeux avait groupées en éventail aux coins de ses yeux clairs. Ses traits étaient solidement dessinés, surtout son nez, de carrure romaine ; il avait la bouche grande, sculptée avec énergie et marquée du pli sarcastique. Ses cheveux, d’un châtain sombre et fauve, frisaient ou plutôt crêpaient sur un front largement développé, d’un luisant de bronze ; par contre, ses sourcils avaient blanchi, ce qui donnait un clignotement à ses yeux. Il ne portait pas de barbe.

Sa jeunesse était surtout dans sa taille souple et robuste. Ce devait être, en la rigueur du terme, un luron solide.

M. le marquis de Gaillardbois, plus âgé d’une dizaine d’années, était un ancien beau, fatigué, mais suffisamment confit. Ses cheveux n’étaient peut-être pas teints, quoiqu’ils en eussent l’air. Il portait barbe entière et moustaches, le tout d’un noir de jais. Tous les médaillons d’une même époque ont un air de famille, et il suffit de quelques années pour changer le type historique, soit que cela tienne au costume, soit qu’il y ait des idées ambiantes qui surmoulent les physionomies en masse. La figure de 89, cela est certain, changea en 93, se modifia profondément sous le Directoire et tourna complètement sous l’Empire. Quoi de plus différent, quoi de plus opposé que deux silhouettes prises au hasard derrière M. de Villèle et autour de M. Guizot, à trois lustres d’intervalle ? Je sais une personne qui a le sens de ces distinctions admirablement développé et vous dit à première vue : voici un homme de telle date ministérielle. Bien plus : cette personne découvre au simple aspect d’un profil si, étant donné le