Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Au fond, personne ne peut vous renseigner mieux que moi. Je connais le roi. Il y a quelque chose comme cela dans le roi. Je crois que le roi ferait beaucoup pour éteindre certaines rancunes. Le roi s’inquiète peu des républicains ; il ne croit pas à l’opposition radicale. Il y a plus : le roi pense que l’opposition radicale est un besoin de son gouvernement. C’est un prince studieux et qui cherche la science de régner dans les livres. Il prend ses principaux points de comparaison en Angleterre et en Amérique : peut-être a-t-il tort. En tous cas, et malgré ce courant d’idées libérales où il s’efforce, où il se flatte surtout de marcher, le naturel l’emporte souvent.

« L’école philosophique à laquelle Sa Majesté appartient vacille beaucoup, parce que son principe est le mezzo termine : une corde tendue entre deux vérités, la vieille et la nouvelle, un fil d’archal sur lequel on marche avec une épaisse couche de blanc d’Espagne aux semelles et un balancier entre les doigts. Sa Majesté a donné elle-même un nom à cette chose : c’est le Juste-Milieu, sobriquet usuel de l’éclectisme. Sa Majesté est heureuse quand on lui dit : « Vous êtes habile, » et c’est là un grand malheur, parce que l’habileté est au-dessous du trône et se compose d’une foule de petits moyens qui ne vont bien qu’aux petites gens. Sa Majesté est plus peut-être un excellent homme d’affaires qu’un bon chef de gouvernement. Elle cherche bourgeoisement à se faire pardonner sa fortune, non-seulement par l’Europe, mais encore par la France. La France aime les rois qui sont rois. Le roi n’est pas assez roi. Il y a parmi ses ministres de magnifiques intelligences, et lui-même est une intelligence notable ; mais ses ministres et lui ne s’entendent pas pour deux raisons : la première, c’est que le roi traite la politique