Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/183

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— Ceci est de la haute politique ! l’interrompit Gaillardbois avec un sourire.

— C’est tout ce que vous voudrez. J’ai dit passion : le mot ne me paraît pas trop fort, hé ? puisque vous voilà, vous, monsieur le marquis, jouissant là-haut d’un véritable crédit, tout simplement parce que vous faites semblant de renier votre foi…

— Monsieur Lecoq !… fit le gentilhomme en se redressant.

— Veuillez permettre. J’ai dit : faire semblant ; vous n’avez rien renié du tout, c’est évident. Il n’y a pas de renégats politiques. Ceux qui se vendent, pour employer la vulgaire expression de ceux qu’on n’achète pas, ont le bon esprit de ne jamais opérer livraison. Réfléchissez, et vous verrez que ceci est une preuve de plus de la passion du roi, passion si naïve, c’est-à-dire si forte, qu’elle s’amuse à caresser une ombre à défaut de la réalité.

— Je pense, monsieur Lecoq, prononça tout bas le gentilhomme, que vous n’avez point l’intention de me molester ?

— Nous causons, monsieur le marquis. Il est de mon intérêt de vous laisser entrevoir l’extrême importance de mon idée. Admettez-vous la passion du roi telle que je l’ai définie ?

— Si cela peut vous être agréable…

— Oui ou non, s’il vous plaît. Il y va de ce que vous avez cherché, sans le trouver, pendant toute votre vie : la fortune ! »

Si l’éloquence est uniquement le don de persuader, il y avait dans le regard fixe de M. Lecoq, dans son accent froid et dur, dans toute sa personne enfin, une véritable éloquence. M. de Gaillardbois resta un instant pensif, puis il répondit d’un ton de professeur interrogé qui gagne son salaire :