Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/187

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savais cela depuis un temps immémorial. La forêt de Paris est mon domaine ; j’y connais tout : chasseurs et gibier. Étrange fourré où c’est le lièvre qui suit la piste des chiens… car vous ne sauriez croire, cher monsieur, combien ces coquins-là sont plus forts que vous ! L’homme qui vient de mourir roulait depuis soixante ans tous les limiers de l’Europe ; il est mort dans son lit, et j’espère bien que la force armée assistera à ses obsèques en cérémonie.

— Vous aviez donc intérêt à ne pas le dénoncer ? interrogea Gaillardbois.

— Il était le meilleur client de mon agence… et peut-être ne savais-je pas… Vous souriez ? c’est comme j’ai l’honneur de vous le dire. Vous cherchez toujours et vous ne trouvez jamais ; moi j’ai trouvé sans chercher : quoi d’étonnant à cela ? Vous demandiez si l’association est politique ? Pas le moins du monde ! Mais cela n’implique pas qu’il n’y ait dans l’association aucun personnage politique. J’y ai trouvé l’outil qui vous fera préfet et moi, si je veux, ministre.

— Votre Excellence, dit Gaillardbois, qui avait repris son sang-froid moqueur, continuera-t-elle jusqu’au bout à parler en paraboles ?

— Je dis, en ce moment, juste et net ce que je veux dire, répliqua M. Lecoq. L’outil est duc…

— Un duc là-dedans !

— Il est mieux que duc ! Mon cher monsieur, la maison Lecoq est une toile d’araignée qui a le diamètre de Paris avec la banlieue et même un peu plus. C’est bien la même circonférence que votre préfecture ; mais, là-bas, ce sont des mercenaires qui vont et qui viennent. Au contraire, ici, ce sont de bonnes gens qui m’apportent de l’argent. Mesurez l’énorme différence ! J’étais comme vous, je ne croyais pas aux Habits Noirs. Ne