Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/188

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pas croire est la chose la plus bête qu’il y ait au monde. Tout athée est un pyramidal idiot. Croire, c’est se réserver une chance. Au lieu de nier, il faut chercher le mot de la charade. Un beau jour, le vent m’apporta la première syllabe du mot : une formule cabalistique, comme il en existe dans tous les caveaux : Fera-t-il jour demain ?

— Fera-t-il jour demain ! répéta Gaillardbois. Où donc ai-je entendu cela ?

— Partout ; les chansons et les mots d’ordre se galvaudent dans Paris. Les enfants jouent avec cela, maintenant. Mais le poignard perd-il sa pointe pour avoir amusé un bambin ? Fera-t-il jour demain ? m’arriva par un de ces bambins et me conduisit chez la femme d’un banquier millionnaire qui donne des rendez-vous à l’ancien secrétaire de son mari. Pas plus d’Habits Noirs que sur ma main ! Mais le secrétaire partage le logement de deux étourneaux qui font des mélodrames, et qui empruntent de l’argent à un usurier, marchand de vieilleries, qui protège une maîtresse de piano, laquelle a une mère moitié folle qui possède un brassard d’acier. Notez cela, c’est le second jalon et il vaut mieux que le mot de passe. D’autre part, la maîtresse de piano est la dulcinée de l’ancien secrétaire et donne des leçons à la fille de la femme du banquier…

— Au diable ! s’écria Gaillardbois en essuyant la sueur de son front. Qu’est-ce que c’est que tout cet embrouillamini ! Je perds plante, moi, je vous en préviens !

— C’est la filière, répondit tranquillement M. Lecoq.

— Où mène-t-elle, votre filière ?

— Elle mène à l’imprévu, elle mène au romanesque, elle mène au sublime du genre ! Êtes-vous homme à vous enthousiasmer pour un chef-d’œuvre ? Je suis à la piste d’un vol monumental.