Aller au contenu

Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendit à l’estropié qui but avidement. Pendant qu’il buvait, M. Lecoq dit :

« La préfecture est à nos trousses, sais-tu ? »

Il se frotta les mains de tout son cœur.

« Ça vous amuse, patron ? demanda Trois-Pattes.

— Comme un bossu, mon vieux ! Je te dis tout à toi : car, il n’y a que moi au monde pour te donner ce que tu veux. Ça m’amuse, parce que toute la meute va me chercher où je ne suis pas… mais où je pourrais bien être un jour ou l’autre, se reprit-il, car la partie vaut la peine d’être jouée, hé ?

— Oui, oui, dit l’estropié ; ce jeune homme a le profil de Louis XVI sur les pièces de deux sous. Mais il ne peut être que le petit-fils, reste à trouver le fils.

— Tu n’oserais pas te déguiser en Louis XVII, toi, Mathieu, hé ?

— J’ose tout, quand vous commandez, patron ; mais je n’ai pas l’âge.

— De quelle année es-tu ?

— 1802, 1803, est-ce qu’on sait ? Pour me marier, je n’ai jamais eu besoin de mes papiers. »

Son rire essaya d’être égrillard.

« Du diable si ce ne serait pas l’affaire, pourtant ! grommela M. Lecoq en se replongeant dans sa chaise longue ; sauf ces vingt ans. Mais avec une figure comme la tienne… et tes infirmités causées par les mauvais traitements de tes cruels bourreaux… Mais quel gredin que ce geôlier Simon ! comme il t’a arrangé, mon pauvre bonhomme ! »

Il eut son gros rire, et Trois-Pattes, riant aussi, répondit :

« Le fait est qu’il m’ont mis dans un triste état, patron !