Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/195

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— C’est-à-dire que le graveur de la Banque n’y verrait goutte ! Il faut tirer, et vite !

— On y est. J’ai donné le bon d’avance.

— Bravo ! Avec cela, mon vieux Mathieu, tu pourras te payer un sérail comme le Grand-Turc !

— Si c’est avec cela que vous pensez solder mon compte… commença Trois-Pattes d’un air de mauvaise humeur.

— Homme de peu de foi ! repartit M. Lecoq avec ce parfait contentement de lui-même qui était sa force. Mon plan est un chef-d’œuvre : ne sortons pas de là. Il y a une chasse où l’on prend des oiseaux vivants avec un oiseau empaillé. Je n’ai pas plus envie que toi de passer des billets faux : fi donc ! Pauvre métier ! Combien peut-on tirer en vingt-quatre heures ?

— Deux mille par jour. Il faut le soin.

— Trois jours pour six millions. Mercredi, je placerai d’un coup tout ce que nous aurons de tiré… Au rapport. Marche ! »

Trois-Pattes commença aussitôt :

« J’ai été reçu par M. le baron, et j’ai glissé le mot que vous m’aviez dit.

— Aussi le voilà dans mon antichambre !

— Il vient pour autre chose… quoiqu’il ait tressailli et pâli quand j’ai parlé de la ville de Caen, du banquier ruiné, du colonel et de l’ancien commissaire de police.

— Qu’a-t-il dit ?

— Rien. Il m’a interrogé sur la comtesse Corona.

— Qu’as-tu répondu ?

— Rien, je ne dois mes comptes qu’à vous. Le baron Schwartz est chez vous ce soir, parce qu’il a pris, comme un voleur, l’empreinte d’une clef qui ouvre le secrétaire de sa femme. »