Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/206

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maintenant un chiffon fatigué. Les yeux de la baronne s’y étant reposés par hasard, il le déroula effrontément et le lissa sur son genou, disant :

« Ceci regarde votre maison, chère madame. Vous êtes menacée d’une grande catastrophe ; il faut bien arriver à vous l’avouer.

— Mon mari doit être ici, murmura Mme Schwartz.

— Lequel ? » demanda M. Lecoq d’un ton paisible.

Elle se prit à trembler.

L’estropié, dans son trou, tremblait plus fort qu’elle.

« Il faut nettoyer la situation ! répéta M. Lecoq en pliant avec soin la note écrite par Piquepuce dans la voiture de Livry. Ma connaissance avec M. le baron est presque aussi vieille que mes sentiments d’admiration pour vous, et je ne puis m’empêcher de glisser cette observation que ces sentiments, platoniques, il est vrai, eussent pu vous fournir un motif plausible et tout naturel de répugner à mon entrée dans votre famille. Il y a eu en tout ceci du mal joué, vous êtes une pauvre belle âme, égarée dans un méchant pays. Je reprends : si M. le baron voyait ce papier-là, il frissonnerait jusque dans les entrailles de son coffre-fort. Êtes-vous descendue parfois à la caisse, chère madame ?

— Jamais, répondit-elle ; mais je voudrais vous parler de ma situation….

— Vous auriez vu une chose curieuse, interrompit Lecoq avec une bonhomie cruelle, une chose que vous connaissez beaucoup, du moins par ouï-dire. On appelle cela des marchés de rencontre. De rencontre ! le mot est bien trouvé. Le coffre-fort de M. Bancelle, le malheureux banquier de Caen, était à vendre voici quelques années. M. le baron cherchait une caisse semblable, à défense et à secret. Vous n’ignorez pas