Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/238

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de loup, après des siècles, pour reconquérir son antique domaine. Des chênes, des chênes ! Le reflux du progrès incertain, la marée montante des fatales barbaries : des chênes crevant la voûte de Notre-Dame, des chênes faisant aux ruines du Louvre une autre colonnade ; des chênes partout où le chêne peut pousser, et dans l’aridité du quartier pédant, des chardons.

Alors, quelque satrape des barbaries parvenues, un proconsul envoyé de Mysore ou de Pékin pour tâter le pouls chétif de cette vieille Europe à l’agonie, s’étonnera de trouver ici les animaux sauvages qui manqueront dans sa patrie. Un Cuvier de sa domesticité mesurera le squelette de l’éléphant Kiouni, mort au jardin des Plantes, pendant que l’historiographe de l’expédition comptera les piliers tronqués de la Bourse. Deux livres naîtront de là, dont l’un prouvera que la race disparue des éléphants était originaire des contrées Mouffetard, et l’autre qu’au temps lointain où florissait la France, il existait déjà une religion…

On bâtira Paris ailleurs, et ce sera le suprême caprice de l’histoire.

Là bas, à mesure qu’on s’approche du soleil, tout est plus vaste, les arbres, malgré leurs lourds manteaux de lianes, s’élancent à des hauteurs inconnues, les fleuves sont des mers, les gazons des taillis ; il faut vingt hommes pour embrasser un tronc autour duquel le serpent impossible enroule et déroule ses magnifiques anneaux ; les lézards s’appellent des caïmans, les fourmis ressemblent à des homards et ce sont des noix grosses comme des melons qui se balancent à la cime des palmiers colosses. Quelle ville ce sera que le Paris intertropical ! Chaque chose, nous l’avons dit, garde l’empreinte et la fatalité de son origine. Comparez l’œuf d’autruche à la graine du bouvreuil. Ce