Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/25

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le meilleur, prononça-t-il lentement, avec une sorte de solennelle emphase. Je ne connais pas de créature plus grande et plus noble que Michel. Michel n’a pas pu tromper une jeune fille.

— En amour… commença Étienne d’un ton avantageux.

— Tais-toi ! ce n’est pas avec des banalités qu’il faut accuser ou défendre Michel. Je sens ces choses-là, quoiqu’il me soit impossible de les expliquer ; Michel est entraîné dans un courant qui ressemble à la fatalité. Autour de lui de mystérieuses influences se croisent. Il use sa force à lutter contre des ennemis invisibles… Crois-moi, ceci est encore un drame !

— Faisons-le, » opina Étienne aussitôt.

C’était bien, celui-là, un poète à tout faire. Maurice restait pensif.

« S’il avait voulu, murmura-t-il après un silence, on lui aurait donné ma cousine Blanche.

— Avec ses millions ? ajouta Étienne.

— Oui, répéta Maurice, avec ses millions.

— Et il n’a pas voulu ?

— Crois-tu qu’il y ait dans Paris, toi, Étienne, beaucoup de jeunes gens ardents comme lui, ambitieux comme lui, pauvres comme lui, capables de refuser une si étonnante fortune ?

— Je ne crois pas même qu’il l’ait refusée.

— Il l’a fait, pourtant. Est-ce à cause de moi, son ami ? Est-ce à cause d’Edmée Leber ? Est-ce parce que ma tante Schwartz ?… Je ne sais. Je n’ai pas besoin de le savoir. S’il avait mis dans sa tête de me supplanter près de Blanche, Blanche m’aurait oublié, car Blanche est une enfant, et combien de fois n’ai-je pas vu qu’elle admirait Michel au-dessus de tous ? Le baron Schwartz avait caressé ce rêve si bel et si bien qu’il a prié,