Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/26

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qu’il s’est fâché… et qu’un soupçon terrible est né en lui…

— Dame ! interrompit Étienne, il y a bien de quoi ! c’est la situation de la Mère et la fille un peu arrangée.

— C’est… » commença Maurice vivement.

Il s’arrêta et ses yeux se baissèrent.

« Il n’a pas de parents, murmura-t-il. D’où lui vient la pauvre pension dont il vit ?

— Oui, parlons de ça ! s’écria Étienne, dont il vit noblement, parbleu ! et comme un fils de pair de France !

— Tais-toi ! prononça pour la seconde fois Maurice. Si tu le jugeais mal, je te renierais !

— Oh ! mais, oh ! mais, s’écria Étienne, je ne suis pas ton valet de chambre, dis donc, pour que tu me mettes le marché à la main. J’aime peut-être Michel autant que toi, mais ça ne m’empêche pas d’avoir des yeux, et à moins qu’il n’ait trouvé un trésor…

— Fondons le journal ! » dit tout à coup Maurice qui connaissait admirablement son compagnon.

Celui-ci, en effet, enfla ses joues et devint rouge de plaisir.

« Est-ce sérieux ? demanda-t-il.

— Très sérieux… Un journal hebdomadaire, rédigé par nous deux, avec revue des théâtres, de la bourse et du monde élégant. »

Étienne le regarda en face et dit avec une conviction profonde :

« Beau papier, bonne impression, pas de timbre, de l’esprit, du cœur, des actualités. Il y a déjà le café Hainsselin et le restaurant Thuillier qui s’abonneront… sinon, je leur coupe notre pratique. Douze francs par an. Il faudra des rébus… ça plaît aux personnes qui n’ont pas beaucoup d’intelligence. Donnerons-