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de la misère. Mais quand la jeunesse est morte, toutes ces gaietés tournent au noir, et la farce, monstre hideux, découvre sa queue de tragédie.

Rien n’est triste autour des vingt ans. Sous ses haillons même, la jeunesse est d’or. Son joyeux rire éclate entre deux sanglots, et vous l’enviez au lieu de la plaindre. Ces murailles nues de la mansarde n’ont-elles pas toujours quelque porte dérobée, par où, si c’est le sort, la chrysalide qu’engourdissait l’ombre va s’élancer, papillon, vers l’avenir et le soleil.

On dirait que ces hauteurs sont propices et tout exprès faites pour aider au premier battement de nos ailes. Sur dix renommées, et je parle des mieux rayonnantes, il y en a neuf qui sont parties un jour par la lucarne, au risque de tomber tête première dans la rue. Peut-être faut-il cela. L’éperon double l’élan du meilleur cheval, et, en face du fossé qu’il faut franchir, l’aiguillon donne la hardiesse.

Ce n’est pas tout, sans doute, mais c’est beaucoup et cela manque aux enfants heureux.

Il y a cependant deux sortes de misères bien distinctes : la misère absolue de l’abandonné et la misère capricieuse du fils de famille qui a dit un matin : Je ne veux pas ! et qui s’obstine. On meurt de l’une comme de l’autre, à Paris ; mais la première est sombre comme la fatalité, l’autre garde jusqu’au dernier moment sa tournure d’école buissonnière.

Étienne Roland était le fils d’un magistrat, conseiller à la cour royale de Paris, et que nous avons connu jadis juge d’instruction à Caen : un honnête homme, jouissant à bon droit de l’estime publique et très apprécié comme jurisconsulte. Sa réputation à cet égard datait surtout de l’affaire Maynotte, dont l’instruction passait pour un véritable chef-d’œuvre. M. Roland le père