Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/38

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— Écris donc le comte Verdier. »

Étienne lâcha sa plume pour battre des mains.

Puis, avec une sorte d’effroi :

« Si c’était cela, pourtant ! murmura-t-il.

— Que nous importe ? Nous faisons un drame pour l’Ambigu-Comique ! nous tricotons un bas de laine. Rien autre chose ne nous occupe… Hausse-toi sur tes pointes ! Que vois-tu, sœur Anne ? L’homme qui contemple l’eau courante a une livrée grise avec des boutons d’argent : c’est Édouard qui l’a désigné ainsi à Similor. Connais-tu la livrée du comte Verdier ? Il voit tout couleur de la Banque de France. Est-ce au comte Verdier ou à la comtesse que Michel… je veux dire Édouard, envoie des mots d’ordre ?… La fameuse femme voilée qui perdit un bouton de diamant à notre porte, je ne pense pas que ce fût le comte Verdier. Non ; nous tenons le rôle de la comtesse. Écris, ma vieille… Je vois la queue de l’Ambigu se dérouler jusqu’au canal !

— À la bonne heure ! petit ! à la bonne heure ! te voilà lancé, hop ! hop !

— La comtesse n’en est plus à l’attaque. Elle a gagné toutes les batailles. Son rôle est la défense : elle garde son secret. Le comte… écris qu’il aime comme un jeune homme. Verdier n’est pas un nom d’Alsace ; il est alsacien, pourtant, et ces Alsaciens sont jaloux plus que des tigres. Celui-là poursuit un secret et défend un autre secret. Fera-t-il jour demain ? Il chasse, il est chassé, chien et gibier tour à tour, au son de la même fanfare. Fera-t-il jour demain ? Il y a là tout un monde ! »

Maurice parlait haut, comme il convient à un oracle. Pendant qu’Étienne écoutait respectueusement, prenant les notes nécessaires, un bruit léger se fit dans la pièce voisine qui servait de chambre à coucher à Michel,