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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/408

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« Dans la nuit du 14 juin 1825, cet homme s’introduisit chez moi, place des Acacias, à Caen, et me vola ce brassard, à l’aide duquel il a commis un crime. Cela vous semble-t-il prouvé ?

— Oui, répondirent les deux fonctionnaires à voix basse, cela nous semble prouvé.

— Pour ce crime, continua André Maynotte, la cour d’assises de Caen m’a condamné ; elle a aussi condamné ma femme. Sur ma femme et sur moi cette condamnation pèse toujours.

— Si les efforts de toute une vie… » s’écrièrent à la fois les deux témoins.

Un geste froid d’André Maynotte les interrompit.

« Il y a des blessures, dit-il, que nul effort ne peut guérir, et je n’ai pas confiance. »

Puis il reprit :

« Dans l’île de Corse, où je suis né, il est un repaire que, sans moi, les gens qui protègent votre société n’auraient jamais trouvé. Avant de mourir, je l’indiquerai du doigt, et j’aurai ainsi rendu à votre société le bien pour le mal, ce qui est un devoir de chrétien.

« L’histoire qui va se terminer ici n’a pas commencé à Caen : c’était dans mon pays, un soir, ce misérable, connu parmi ses pareils sous le nom de Toulonnais-l’Amitié, insulta une noble enfant que j’aimais sans espoir. Je la défendis. De là sa haine. Il n’eut pas alors, il n’a jamais eu la banale excuse de la passion, car cette femme que poursuivait son caprice, il l’a livrée à un autre.

« Cette femme était Giovanna-Maria Reni, des comtes Bozzo, Julie Maynotte, Mme la baronne Schwartz, votre victime, messieurs, car vous l’avez poussée dans un sentier qui n’a d’autre issue que la mort.

« Ne m’interrompez plus. Je sais que vous êtes gens