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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/409

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de bien : c’est parce que je sais cela que vous êtes ici. Vous ferez ce qu’ordonnera votre conscience.

« Mais j’étais homme de bien ; j’avais une femme de bien. La femme est perdue ; l’homme a subi les tourments de l’enfer, parce qu’un tribunal, composé de gens de bien, a jugé en tout honneur et en tout bien, sur le verdict rendu par douze hommes de bien… Je n’ai pas confiance.

« Je ne veux, pour punir celui que je hais et pour sauvegarder ceux que j’aime, d’autre juge que moi.

« J’ai un fils à qui vous avez fait une bien cruelle jeunesse. Je n’ai plus de femme, quoique Julie Maynotte soit vivante. Je l’aime de toutes les forces de mon cœur ; elle n’a jamais aimé que moi. Entre nous deux, il y a un abîme.

« Elle était jeune. Parmi vos châtiments, il en est qui sont bien plus redoutables que la mort. Est-ce vous qui direz : « Cette voleuse a eu tort de ne pas se réfugier dans le suicide ? »

« On avait reconnu mon cadavre sur une grève ; elle se croyait veuve : est-ce vous qui jetterez la première pierre à cette bigame ?

« Elle est bigame ; elle est voleuse ! elle, Julie, le saint amour de ma jeunesse ! Elles étaient aveugles et sourdes, les idoles païennes. Sous l’œil de Dieu vivant, y a-t-il donc place encore pour l’horrible fatalité !

« Votre loi est sur elle deux fois, comme voleuse et comme bigame. Cet homme qui est là, sous mon pied, savait cela. Il feuillette vos codes aussi souvent que vous. Vos livres sont ses livres. C’est votre loi même qu’il serre comme un carcan autour du cou de ses victimes.

« Cet homme est libre, puissant ; à ne consulter que vos registres, cet homme ne vous doit rien. Sans moi, les quatre millions qui sont dans cette caisse lui appar-