Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/54

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la cervelle et leur disant : me voilà, je sais votre drame par cœur ; le drame que vous n’avez pas encore combiné, je le sais depuis le prologue jusqu’au dénoûment. Voulez-vous que je vous le raconte ?

— Au fait, dit Étienne, c’est original. »

Maurice gardait le silence.

« Dans ce drame-là, poursuivit M. Bruneau, dont les traits immobiles eurent presque un sourire, je suis peut-être acteur… vous aussi, sans vous en douter… Ah ! c’est un drame comme on en voit peu, savez-vous ? Je connais tous nos collègues, les autres acteurs, et aussi mesdames les actrices. Je connais le comte Verdier et sa femme, je connais Édouard, je connais Sophie. (En parlant, il fixait ses yeux ternes sur le tableau tracé à la craie au revers de la porte). Je connais Alba, la chère enfant ; je connais M. Médoc, ce grand rôle de genre ; je connais la marquise Gitana…

— Et l’Habit-Noir ? l’interrompit tout bas Maurice, qui cachait sa curiosité croissante sous un voile de moquerie.

— Mélingue vous tiendra ça aux oiseaux ! » répondit M. Bruneau en amateur.

Puis, tournant le dos au tableau :

« Je connais encore certains autres messieurs et certaines autres dames qui sont là-dedans jusqu’au cou. J’ai des histoires… des tas ! Voulez-vous savoir ce que font vos marionnettes à l’heure où nous sommes ? Ce qu’elles faisaient hier ? ce qu’elles feront demain ?

— Que fait Alba ? demanda étourdiment Maurice.

— Elle danse, répondit le marchand d’habits. Le comte Verdier est venu à Paris dans son coupé, la comtesse Olympe dans sa calèche, et la marquise Gitana est au lit d’un mourant.