Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quer, il n’y paraissait plus ; et de même que rien ne désigne l’endroit où quelque objet tombé souleva naguère dans l’eau stagnante la série des ondes circulaires, de même, sur la physionomie froide et lourde du Normand, aucune trace de l’émoi passager ne resta.

« C’est un beau jeune homme, dit-il d’un ton morne. Mais il n’y a pas de poteau indicateur à l’entrée de la route qui conduit au bagne. »

Ce mot fit sauter Étienne et Maurice sur leurs chaises.

« Monsieur, déclara le petit blond résolument, vous allez nous dire qui vous êtes ! »

M. Bruneau, ayant poli avec soin le verre de sa montre sur son genou, consulta le cadran d’un air distrait.

« Mes jeunes amis, répliqua-t-il avec douceur, vous ne me verriez pas ici s’il n’était encore temps de mettre une barrière en travers de son chemin… et du vôtre. C’est un beau jeune homme. Avant de nous quitter, ce soir, nous reparlerons de lui. Pour ce qui est de moi, nous ne sommes pas encore au prologue de notre drame, et certaines énigmes ne montrent leur mot qu’aux environs du dénoûment. Patience. L’heure a marché pendant que nous bavardions ; le temps nous presse désormais. Abordons le sujet de ma visite. Avez-vous pris connaissance de ceci ? »

Il désignait du doigt sur la table le cahier de papier gris mal imprimé, portant pour titre : Procès curieux, André Maynotte ou le perfide Brassard. Vol de la caisse Bancelle (de Caen), juin 1825.

« Depuis un quart d’heure, murmura Maurice, je songeais que vous étiez l’auteur de cet envoi. »

Étienne rapprocha son siège.

Quoi qu’ils en eussent, Étienne et Maurice lui-même prenaient un intérêt croissant à cette scène bizarre.