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Corse. Il quitta Paris subitement après sa dernière perte et son vainqueur le suivit. Il s’agissait de vendre le domaine de Corse pour solder les 7000 louis ; chacun savait cela ; mais le vainqueur, engoué du domaine et sans doute trahi par les cartes à son tour, fit venir traites sur traites de Paris et finit par mourir en Corse, ou ailleurs. C’était un vieux garçon. Il n’en fut que cela.

Seulement, Paris devint tout à coup tranquille. Ce vieux garçon était peut-être l’auteur de tous les méfaits qui désolaient la capitale. Quoi qu’il en soit, on n’eut bientôt plus assez de railleries pour les simples qui croyaient à l’Habit-Noir.

Il était à Londres, l’Habit-Noir ! Londres n’osait plus sortir le soir, malgré le luxe de ses trois polices. Londres avait traduit le mot Parisien : il avait peur du Black-Coat. Et il avait raison, Londres ; car le Black-Coat ou l’Habit-Noir le malmenait rudement. Les trois polices en perdaient la tête.

Vers le même temps, le colonel Bozzo vint s’établir à Londres, où il se trouva tout à coup entouré de gens qui vantaient sa position et sa fortune : surtout le grand domaine de Corse. Les rumeurs politiques allèrent aussitôt leur train.

Il vivait seul et menait l’existence de garçon. Il dînait au club. Sa maison se composait d’une servante italienne et d’un petit secrétaire français, sorte de groom lettré qui avait beaucoup d’intelligence. Ce petit secrétaire avait peut-être un nom comme tout le monde ; mais son maître, qui l’avait pris à Paris, dans un atelier de serrurerie, pour l’élever à ces fonctions intimes, lui donnait un de ces sobriquets doubles, usités dans le compagnonnage, et l’appelait Toulonnais-l’Amitié.