Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dents qu’on eût dit l’ère des querelles scolastiques, et l’association, cette vérité primordiale dont nul ne songeait à nier la puissance, menaçait de sombrer sous les plaidoyers turbulents de ses avocats.

Il en était un pourtant qui avait du génie, un génie lucide et poétique à la fois, plein de fougue dans l’invention, plein d’aperçus pratiques dans l’exposition, un vrai génie avec le mouvement de fièvre nécessaire et même le petit grain d’extravagance. Charles Fourier mourut dans son grenier de la rue Saint-Pierre-Montmartre, vers ce temps-là justement, et ses élèves se hâtèrent d’enterrer son système.

Il ne nous resta de lui qu’une épicerie modèle et le souvenir de l’ennui prodigieux distillé par la Démocratie Pacifique.

Est-ce assez vieux, cela ? Ce titre, exhumé tout à coup, ne fait-il pas l’effet d’une momie d’Égypte ? La Démocratie Pacifique ! Des siècles écoulés ! Combien de temps ont donc duré ces vingt dernières années !…

Des bonnes gens qui n’ont jamais demandé mieux que de s’associer, avant comme après Fourier, ce sont les voleurs. Quand on parcourt la Gazette des Tribunaux de 1830 à 1845, on est émerveillé du nombre et de l’importance des bandes de malfaiteurs qui tombèrent sous la main de la justice. La justice n’eut pas tout ; la preuve, c’est qu’il en reste, sans compter ceux qui moururent dans leur lit, pleins de jours et d’honneur : mais il est certain que Vidocq et M. Allard, les fameux chefs de police, firent à cette époque de mémorables razzias. Chaque session voyait défiler deux, trois, quelquefois quatre armées de bandits, capitaine en tête ; la plupart avaient entre elles de mystérieuses connexions ; le crime enjambait de l’une à l’autre, et tel héros,