comme Graft par exemple, l’assassin de l’horloger Péchard, à Caen, avait des états de service dans une douzaine de régiments diaboliques.
Entre ces bandes néanmoins il n’y avait pas unité d’organisation ; chacun faisait pour son compte, et, parmi l’énorme masse de témoignages et de délations qui éclairèrent les jurys, on ne trouve pas une seule trace de ces romanesques centralisations qui effrayent à bon droit l’opinion publique. Le type colossal de Vautrin, autocrate de toutes les pègres, n’exista jamais que dans l’opulente imagination de Balzac. Nos coquins, Dieu merci ! n’ont pas l’esprit de famille ; ils se jalousent, ils se tracassent, ils se trahissent mutuellement, et chaque fois que l’un d’eux a fait une brillante affaire, un chœur de voix envieuses s’élève des profondeurs souterraines pour crier son nom à la police.
À cet égard, les voleurs de Londres sont beaucoup plus redoutables que ceux de Paris. Voici déjà près de deux siècles que le great family, — la grande famille, — existe dans la capitale du Royaume-Uni, et malgré les dénégations officielles, il est mille fois probable que cette Jacquerie terrible n’est pas près de mettre bas les armes. Elle a son roi, sa loi, son parlement, sa religion, sa force armée. Ses racines descendent profondément sous le niveau social ; ses cimes montent si haut que l’accusation a peine à les atteindre. Ici la vérité laisse bien loin derrière elle toutes les fictions de nos romanciers ; le crime, organisé sagement, largement, a des prudences d’état et se tient, vis-à-vis de la société, dans des limites en quelque sorte politiques.
Nous sommes en France, laissons de côté les transcendantes originalités de l’Angleterre.
Ce que nous venons de dire touchant Londres et la solide agrégation de ses malfaiteurs n’est pas cepen-