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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/94

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Un groupe se projetait sur les rideaux, ou plutôt un couple, dessiné par la bougie unique, allumée au piano d’Edmée : une femme debout et la tête penchée, un jeune homme agenouillé.

Ce groupe était immobile et en apparence silencieux. M. Bruneau, malgré la grande hâte qui semblait le talonner désormais, resta une minute tout entière à regarder ce groupe.

Quand il s’éloigna enfin de la fenêtre, un soupir souleva sa poitrine. Une émotion grave et douce était sur son visage.

Il descendit enfin l’escalier d’un pas lourd et lent ; sa physionomie, redevenue morne, exprimait le calme engourdi de la végétation commerciale. Paris est plein de ces machines, spécialement propres à gagner un peu d’argent, qui calculent et ne pensent point. Penser perd le temps.

En tournant le palier du premier étage, M. Bruneau lança pourtant un regard oblique et assez vif à la porte sévèrement élégante qui avait à son centre une plaque de cuivre ovale, luisante comme l’or, avec ces deux mots : Agence Lecoq. Ce fut tout ; il passa. Au rez-de-chaussée, il entr’ouvrit la loge du père Rabot et dit :

« Trois-Pattes avait sommeil, le paresseux !

— Tiens ! il est donc chez lui, Trois-Pattes ? demanda le portier.

— Oui, oui… nous n’avons fait que trois cents de piquet ce soir… Pas gras chez les jeunes gens, dites donc père Rabot ?

— Ah ! ah ! vous êtes entré chez les jeunes gens ?

— Oui, oui, pour leur rappeler l’échéance… Pas gras ! »

Il referma la porte.

Une fois dans la rue, M. Bruneau prit à gauche et