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Page:Féval - Les contes de nos pères, 1845.djvu/114

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LES CONTES DE NOS PÈRES.

Comme il promenait autour de lui son regard découragé, il aperçut au fond du Val, à travers les branches dépouillées des taillis, les blanches murailles du petit manoir habité par Rachel. Il tourna ses pas de ce côté, afin d’implorer les hôtes de cette demeure. Rachel venait de rentrer. À l’annonce d’un homme vêtu du costume de pèlerin, elle ordonna aussitôt de l’introduire en sa présence, et ne prit que le temps de jeter sur son gracieux visage le voile épais des femmes de l’Orient.

Le pèlerin entra d’un air triste et abattu. Les bords de son large feutre ne permettaient point d’apercevoir ses traits.

— Vous êtes las, dit Rachel avec bonté, asseyez-vous, sire étranger, et dites-moi… : Que fait en Palestine le renommé comte Addel ?

— Le comte Addel n’est plus en Palestine, répondit le pèlerin d’une voix sourde, et en se laissant choir, épuisé, sur un siége.

Le cœur de la jeune fille tressaillit d’orgueil et de joie.

— Je n’ai donc pas espéré en vain ! pensa-t-elle. Il s’est souvenu de sa promesse… Je vais le revoir !… A-t-il touché la terre de France ? ajouta-t-elle tout haut.

Le pèlerin fut quelque temps avant de répondre.

— Le comte Addel ! reprit-il enfin d’un ton plein d’amertume ; — qui parle du comte Addel ?… Naguère, c’était un chevalier chrétien, modèle de foi et de vaillance. Maintenant, il a déserté son poste ; il a trahi sa religion et ses frères d’armes… Qui parle du comte Addel ?

Le pèlerin avait mis sa tête entre ses mains. Rachel était pâle ; son souffle soulevait péniblement sa poitrine.

— Celui-là en a menti ! — murmura-t-elle d’une voix