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LE VAL-AUX-FÉES.

basse, mais ferme, — qui dit que le comte Addel est un traître.

Le pèlerin se redressa vivement ; son regard sembla vouloir percer le voile qui recouvrait les traits de la jeune fille.

— Merci ! dit-il.

Puis, se reprenant aussitôt, il ajouta :

— Noble dame, votre cœur est généreux, puisque vous défendez l’absent ; mais, par malheur, je n’ai point menti. Jugez vous-même ; Addel a quitté la croisade ; il a laissé ses soldats, — des soldats chrétiens, madame, — sans chef et sans appui, à la veille d’une bataille…

— A-t-il fait cela ? interrompit Rachel.

— Il l’a fait !… Un indigne amour lui brûlait le cœur.

— Étranger, prononça sévèrement Rachel, qui vous a dit que l’amour d’Addel fût un indigne amour ?

Le pèlerin porta la main à sa poitrine.

— Il aime une juive ! dit-il d’une voix si basse, que Rachel eut peine à l’entendre.

— Mensonge ! s’écria la jeune fille.

— Hélas ! qui mieux que moi peut le savoir ?

— Vous connaissiez donc Addel ?

— Pourquoi cacher plus longtemps ma honte ! Je me nommerai, ce sera ma pénitence. Je suis Addel, madame, Addel fugitif et déshonoré.

Rachel, d’un geste rapide comme l’éclair, souleva le feutre du pèlerin. À la vue de ses traits brûlés par le soleil de Judée, mais qu’on ne pouvait point méconnaître, elle poussa un cri, et se laissa tomber à son tour sur un siége.

— Accablez-moi de vos mépris, poursuivit lentement le pèlerin. — Pour elle j’ai perdu mon âme et taché mon écusson. J’avais fait une promesse fatale. Un jour, au milieu de