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LES CONTES DE NOS PÈRES.

nos glorieux combats d’outre-mer, je me suis souvenu de cette promesse, et j’ai tout abandonné. Cinq ans ! m’avait-elle dit ; les cinq ans se sont écoulés : me voilà !

— Béni soit Dieu ! disait Rachel en extase.

Le pèlerin ne l’entendait pas.

— J’ai traversé bien des pays, reprit-il encore. J’ai vendu mes armes, mes éperons d’or, mon cheval et jusqu’à mon épée de chevalier ; — puis, lorsque tout a été vendu, j’ai souffert de la faim et de la soif, mais j’ai gardé l’anneau que je tiens d’elle.

Rachel prit l’anneau comme pour le considérer, et le baisa à la dérobée.

— Enfin, j’ai revu les domaines de mon père, poursuivit Addel, de mon noble père qui n’est plus ! J’ai frappé à la porte de notre manoir, souillé par un hôte infâme. C’est là qu’elle doit être. On m’a refusé l’entrée… Mais je sens se réveiller ma force assoupie. Ce voyage aura servi du moins à ma maison. Cinq ans ! c’était aussi le délai du rachat de nos domaines. Je vais aller à Rennes, chez les parents de mon père ; j’implorerai leur aide, et le juif maudit sera chassé honteusement.

Rachel lui rendit son anneau.

— Vous voyez bien, madame, acheva le pèlerin, que je n’ai point calomnié le malheureux Addel. Il aime… car je l’aime encore ! il aime…

— Une chrétienne ! interrompit Rachel en relevant son voile d’un geste calme et digne.

— Vous ! s’écria le jeune chevalier ; — est-il possible !

Rachel tira de son sein un médaillon d’or sur lequel était sculptée l’image adorable du Dieu crucifié.

— Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dit-elle en