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LES CONTES DE NOS PÈRES.

la droite, ajouta-t-il tout haut ; m’est avis que vous y passerez une bonne nuit comme je le souhaite.

Et il attira sur lui le lourd battant de la porte.

— Mon brave homme, s’écria Henriette, je suis accablée de fatigue, et j’ignore la route. Au nom de Dieu, ne me repoussez pas !

Le vieillard eut un instant d’hésitation.

— Le fait est que c’est un fait ! murmura-t-il enfin. La jeune dame a l’air fatiguée, et la nuit est noire comme la joue du diable… Allons !… entrez, madame… monsieur le marquis n’en saura rien.

Nos deux voyageuses ne se firent point répéter cette permission. Tandis que le vieux valet refermait soigneusement la porte, Henriette regardait autour d’elle, et il lui semblait que ce lieu ne lui était pas étranger.

— Monsieur n’en saura rien, répétait le bonhomme en poussant de son mieux les verrous ; il se fâcherait… Et Pierre-Paul qui ne revient pas ! faut qu’il y ait du nouveau là-dessous !… Entrez, ma jeune dame, et chauffez-vous. Jésus Dieu ! il y a un enfant… pauvre innocente créature !… Ah ! dame ! j’ai vu le temps où vous auriez été mieux reçue que cela ; mais faut se méfier, au jour d’aujourd’hui… L’enfant est joli, tout de même, et je lui souhaite du bonheur Mais ce Pierre-Paul qui ne revient pas !

Henriette et sa servante s’approchèrent avidement du feu de bois vert qui brûlait dans la vaste cheminée de la cuisine. Leurs vêtements étaient trempés de pluie, et le petit Alain, qui tremblait de froid et de peur, reprit son sourire d’enfant joyeux en retrouvant la chaleur et la lumière. Henriette le baisa au front avec une tendresse passionnée.