sans asile ; mais mon père est un riche seigneur et sa mort me fera puissant.
— Le peu que j’ai fait pour vous, répondit Jouvente, je l’ai fait de bon cœur, et s’il y avait place pour deux sous mon toit, je vous offrirais l’hospitalité… Vous plaît-il partager ma bourse ?
Jouvente versa dans le creux de sa main le contenu de son escarcelle et en fit deux parts égales.
— Merci-Dieu ! s’écria l’étranger, vous êtes un généreux cœur, mon homme, et je veux mériter l’enfer si cette aumône ne vous porte pas bonheur… Enseignez-moi, je vous prie, la demeure de quelque noble du voisinage, afin que j’aie la nourriture et le repos.
Jouvente se retourna pour indiquer du doigt le manoir de Rostan du Bosc ; ce mouvement lui fit apercevoir le vieillard lui-même qui se dirigeait vers la grève, aussi rapidement que le lui permettaient ses jambes alourdies par l’âge.
— Voici l’hôte de tous les nécessiteux, dit Jouvente. Nul n’a jamais frappé en vain à la porte de Rostan du Bosc. Adressez-vous à lui.
Mais Rostan du Bosc avait autre chose en tête pour le moment : il attendait Jouvente depuis une heure et prétendait lui parler sur-le-champ. Lorsque l’étranger s’avança vers lui, découvert et dans une humble posture, il l’écarta d’un geste. Celui-ci n’avait point menti : son père, Éloi de Coëtquen, sire de Combourg, était un opulent seigneur ; mais Robert de Coëtquen (c’était le nom de l’étranger) avait encouru la colère paternelle et se voyait réduit depuis longtemps à errer de manoir en manoir, réclamant partout un gîte et place à table, chose que l’hospitalité bretonne ne sait