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LES CONTES DE NOS PÈRES.

Celui qui venait de Vannes s’appelait Bertin ; celui qui venait de Redon avait nom Thomas. — C’étaient tous les deux des gens d’un certain âge, à la physionomie insignifiante, si elle n’eût révélé leur bas instinct de rapine et de cruauté. À peine est-il besoin de dire que c’étaient eux qui avaient la direction effective de l’expédition. Sous la République, en effet, époque d’invraisemblable tyrannie, le chef militaire commandait seulement lorsqu’il y avait des balles ou des boulets à recevoir.

Le citoyen Thomas et le citoyen Bertin furent très-médiocrement satisfaits de se rencontrer. La présence du citoyen Thomas parut au citoyen Bertin un double emploi, et le citoyen Thomas regarda la venue du citoyen Bertin comme une pure superfétation. Il y avait au château de Graives un trésor, et la voix publique allait jusqu’à dire que le fameux diamant, ci-devant de la couronne, le Régent, y était caché ; mais ce trésor, quel qu’il fût, perdrait moitié à être partagé. Nos deux citoyens étaient assez forts en logique pour admettre cette dernière supposition sans conteste.

Or il fallait bien que le proconsul de Vannes eût sa part : il était de nécessité que le représentant de Redon eût la sienne, sans parler des commissaires de Paris. Donc, voici ce qui arrivait, et c’était déplorable : Bertin avait compté partager seulement avec son chef de file de Vannes, les agents supérieurs de Paris, et la République s’il en restait ; maintenant, il se trouvait forcé de partager avec Thomas, lequel avait derrière lui une hiérarchie identiquement pareille, de mains toujours ouvertes pour prendre, toujours fermées pour restituer. — Qu’on juge si Bertin et Thomas devaient se voir d’un bon œil !

Quant aux deux chefs militaires, à qui on devait un an