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Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/312

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si nous gagnerons la partie ou bien si nous serons tous écharpés à la dernière manche.

— Je n’attendrai pas jusqu’à demain ! s’écria Valentine, à quoi bon réfléchir ? la mort nous entoure de tous côtés, il n’y a pas d’autre issue, j’accepte ! Tout ce que j’ai est à vous, les conditions que vous m’avez posées seront accomplies aveuglément.

Le Marchef, qui avait déjà fait un pas vers la porte, s’arrêta.

— Quant à être une crâne jeune personne, fit-il, ça y est en grand ! Alors, il faut vous dépêcher de retourner à la maison. M. Samuel ne se sera pas aperçu de votre absence, c’est le mot d’ordre, et vous trouverez à la porte où sont les maçons quelqu’un qui vous fera rentrer, ni vu ni connu, dans votre chambre. Ce soir, si le colonel peut quitter son lit, car il est vraiment bien malade, il ira vous raconter tout ce qu’il a fait pour vous et pour votre bonheur. Vous serez surprise, émerveillée, attendrie, enfin vous jouerez votre petit bout de comédie, ça ne m’embarrasse pas. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est de dire que vous êtes toute ragaillardie et de faire comme si la raison rentrait dans votre cervelle toquée. Il y croira ou il n’y croira pas, ça ne fait rien du tout, car dans la partie qui se joue, chacun sait que son voisin triche : voilà le côté curieux. Pour ce qui est de moi, je ne sais pas si vous me reverrez avant la noce, mais regardez-moi bien entre les deux yeux ; j’ai un petit peu d’espoir, pas beaucoup… la chose sûre, c’est que je ferai tout ce que je pourrai, je dis : TOUT, puisque vous m’avez donné votre main.