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Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/317

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Dans les gargotes, les verres levés restèrent à mi-chemin des lèvres et les fourchettes cessèrent de grincer sur l’épaisse faïence des assiettes.

Quel était ce bruit qui dominait le grand murmure de Paris ? qui était sourd et grave comme un tonnerre et qui pourtant perçait toutes les murailles, distinct des autres fracas, et entrait dans les maisons à travers les portes fermées ?

Jules Gérard, le dernier paladin, a fait un livre sur ses adversaires vaincus. Dans ce livre, empreint d’un sentiment épique, Jules Gérard raconte la vie et la mort des lions qu’il a tués.

Il y a là une page, pleine d’une prodigieuse émotion, où l’on entend le lion agoniser dans le désert.

C’est une voix qui s’éteint, mais qui est gigantesque encore. À l’écouter, hommes et femmes frémissent sous la tente ; dans les douars, les chevaux tremblent sur leurs quatre pieds paralysés, et le long de l’oued qui va, desséché à demi, entre les pierres et les palmiers, les autres habitants du désert, saisis d’une terreur profonde, écoutent.

C’est le roi qui meurt, le seigneur, le Sidi-Lion. La nature entière prend part à son agonie et porte un deuil épouvanté.

C’était ici encore le Sidi-Lion, le seigneur, le roi des déserts, dont la plainte suprême ébranlait tout un coin de la civilisation parisienne.

Il avait beau être esclave, vaincu, déshonoré, son cri funèbre montait et s’élargissait presque aussi grand que la grande voix de la foudre.

Il avait beau être humilié, et depuis combien de temps ! sous l’outrage grotes-