Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/96

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était située dans l’enceinte de la ville, mais elle respirait déjà le grand air de la campagne ; elle pendait sur ces deux bosquets solitaires qui séparaient alors la rampe de Chaillot du pont d’Iéna. Elle avait vue d’un côté sur le Champ de Mars, de l’autre sur les buttes abruptes du Trocadéro, et entre deux, par-dessus les sinuosités de la Seine, elle voyait les arbres de Passy, prolongés par les forts de Clamart et de Meudon.

C’était un grand et bel établissement, fondé depuis peu, mais auquel la vogue était venue tout de suite.

On pouvait attribuer sans doute ce succès rapidement fait au talent du docteur Samuel ; les jaloux, cependant, ajoutaient que ce succès était dû, pour la plus grande part, aux nombreuses et puissantes relations du savant médecin.

Les jaloux disaient encore, mais tout bas et sans pouvoir appuyer leurs affirmations sur des preuves positives, que le docteur Samuel, parti d’une position infime, avait grandi tout à coup en poussant au delà des bornes permises les complaisances professionnelles.

Il s’était concilié ainsi de hautes gratitudes et ses protecteurs étaient en quelque sorte des complices.

Mais personne n’ignore que Paris, tout en méprisant la province, partage abondamment les vices étroits et les petitesses envieuses attribués aux provinciaux. Paris regarde presque toujours d’un œil mauvais les fortunes trop rapides et les réussites trop éclatantes.

On a supprimé, il est vrai, le bûcher qui brûlait, au moyen âge, les sorciers, c’est-à-dire les forts, pour le plus grand