Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/147

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ques profits. Maître Hugues, qui ne travaillait pas, en encaissait de gros.

L’affaire marcha régulièrement du mois de mai au mois d’août. Un samedi soir — je devais, durant la nuit, joindre avec quelques amis le camp-meeting qui s’ouvrait à douze milles de Baltimore — on me retint tard au chantier. Entre le camp-meeting et mes comptes à rendre, il fallait choisir : — Bah ! pensai-je : À lundi le règlement ! — et je pris le chemin du meeting.

Le lundi dès l’aube, j’étais chez maître Hugues, mes trois dollars en main.

— Coquin ! tu as cherché à fuir !

— Non, monsieur.

— J’ai envie, moi, de t’administrer une raclée !

Silence.

— Comment as-tu osé quitter la ville sans permission ?

— Monsieur, je vous ai acheté l’usage de mon temps. Je ne savais pas devoir, ce temps une fois payé, vous demander dans quelles limites, à quelle heure, et comment je pouvais me mouvoir.

— Tu ne le savais pas, bandit ? Tu ne sais pas que ton devoir est de te présenter, chaque samedi soir, devant moi ? Apporte tes outils. Tu t’es coupé l’herbe sous les pieds. Plus d’autorisation !

Ainsi finit ma liberté partielle.

Maître Hugues m’avait châtié ; je résolus de le punir : — Tu me veux esclave ! m’écriai-je en mon for intérieur : Esclave tu m’auras. Je ne bouge désormais que sur ordre ! — Ensuite de quoi, ne remuant non plus qu’une