Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/313

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fois pour toutes, comme les enfants : — Il y a bien, bien, bien longtemps !


Commençons par un incident grotesque.


Un soir — c’était durant mes campagnes abolitionnistes — me trouvant à Victor (Ontario) j’entrai dans la salle à manger de l’hôtel, pour y dîner. On me conduisit vers une petite table qui semblait être en pénitence, au coin, loin de la grande table où s’asseyaient les hôtes. — Je compris, et ne voulant pas faire d’éclat, j’expédiai mon repas en silence. Une fois terminé, debout auprès du comptoir où trônait le seigneur de céans :

— Ayez l’obligeance — fis-je en payant mon écot — de me dire pourquoi vous m’avez servi à part, dans l’angle, moi seul ?

— Pourquoi ? — s’écria mon homme, égal à la circonstance : — Parce que je voulais vous traiter mieux que les autres !

— Bien ! répliquai-je, rassemblant ma monnaie : Une autre fois, traitez-moi comme, et non pas mieux.

À Jamesville, dans l’Ouest, même épisode. On nous place, un de mes amis et moi, seuls de notre espèce, en face des badauds, habitués du bar-room, auxquels nous servons de spectacle et d’amusette.

— Sais-tu ? — fis-je assez haut pour que nul n’en perdit mot. — Sais-tu quelle découverte je viens de faire dans l’écurie ?

— Non : Qu’as-tu vu ?

— J’ai vu des chevaux noirs et des chevaux blancs, croquer en paix l’avoine dans la même auge. D’où j’ai