Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Raccourcie des deux bouts, on n’en perdait pas en cérémonies, le peu qui demeurait : vieux et jeunes, hommes et femmes, étendus sur le sol, s’enveloppaient tant bien que mal de la couverture, et tout était dit.

Le ciel ne s’était pas désassombri, que sonnait le cor du conducteur. Tout dormeur attardé recevait double sanglée. Ni l’âge ni le sexe n’obtenaient grâce. Debout, canne en l’air, à la porte du quartier, le surveillant comptait son bétail. — Les jeunes mères, tantôt avaient une heure dans la matinée, pour revenir aux cabanes et y allaiter leurs nourrissons ; tantôt emportaient les bébés avec elles, et les déposaient dans quelque coin du champ.

Retourner au quartier pour y manger son repas, c’eût été trop de loisir. L’esclave prenait au bras, ce qu’il appelait son gâteau de cendres : morceau de porc ou de hareng salé, cuit sous les charbons.


Laissons les champs, laissons ces terrains immenses où la brutalité, l’injustice, la violence, s’épanouissaient plus vigoureuses que la végétation sous les tropiques ; laissons ces régions désolées, où un démon à figure humaine parcourait les rangs, distribuant les coups, marquant de rouges sillons la chair frissonnante.

Tournons nos regards vers l’esclavage domestique. Arrêtons-les sur la Grande Maison.