Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/161

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sion. Comment aurait-il été possible d’apprendre la moindre chose ? Il n’y avait pas de temps pour cela. Chacun avait à faire ce qu’il savait faire parfaitement. Lors de mon admission dans le chantier, M. Gardner m’ordonna d’obéir à tout ce que les charpentiers me commanderaient. C’était me mettre à la disposition de soixante-quinze maîtres à la fois. Je devais les regarder tous comme tels, et leur obéir au moindre signe. Chaque parole prononcée par un d’eux devait être pour moi une loi. Ma situation était fort pénible. Quelquefois il m’aurait fallu une douzaine de paires de mains. On m’appelait dans une douzaine d’endroits en une seule minute. Trois ou quatre voix frappaient mon oreille au même instant. « Frédéric, viens m’aider à équarrir ce morceau de charpente. » — « Frédéric, apporte-moi cette poutre. » — Frédéric, donne-moi donc ce rouleau-là. » — Frédéric, va me chercher encore une cruche d’eau. » — Frédéric, viens m’aider à scier le bout de cette planche. » — « Frédéric, va vite me chercher le levier. » — « Frédéric, cours chez le forgeron, et dis-lui de me donner un poinçon neuf. » — « Frédéric, va donc me chercher un ciseau. » — « Frédéric, allume du feu aussi vite que l’éclair sous cette machine à vapeur. » — « Voyons, nègre, viens ici