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Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/162

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tourner la meule. » — « Allons, allons, Frédéric, vite, vite ! pousse ce bois en avant. » — « Vilain nègre, pourquoi ne me fais-tu pas chauffer de la poix ? — (Trois voix en même temps) : « Frédéric, viens ici ! — va là. — Reste où tu es. — Ne bouge pas, ou je te fais sauter la cervelle ! » Voilà quelle fut mon école pendant huit mois ; voilà comme j’apprenais un métier ! J’aurais pu y rester plus longtemps encore sans un horrible combat que j’eus à soutenir contre quatre des apprentis blancs, et dans lequel je perdis presque l’œil, et fus en outre horriblement mutilé ! Voici les circonstances de l’affaire. Tous les charpentiers de navire, blancs aussi bien que noirs, étaient dans l’habitude de travailler les uns à côté des autres. Cet état de choses durait depuis longtemps, et personne ne semblait y voir le moindre inconvénient ; au contraire, chacun en paraissait content. Plusieurs des charpentiers noirs étaient des hommes libres, et tout allait à merveille. Tout à coup les charpentiers blancs quittèrent l’ouvrage et refusèrent de travailler avec les hommes de couleur, en donnant pour raison que si l’on encourageait ces derniers, ils auraient bientôt le monopole du métier, et les pauvres blancs se trouveraient sans travail. Ils se croyaient donc obligés de porter remède au