Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/60

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et je n’avais guère autre chose à supporter que la faim et le froid. Je souffrais beaucoup de la faim, mais encore plus du froid. Pendant les étés les plus chauds, comme les hivers les plus rigoureux, j’étais toujours presque nu — je n’avais ni souliers, ni bas, ni veste, ni pantalons ; rien qu’une chemise de toile grossière, qui ne me descendait qu’aux genoux. Je n’avais pas de lit. Je serais mort de froid, si, pendant les nuits les plus glaciales, je n’avais volé un sac dont on se servait pour porter le blé au moulin. Je m’entortillais dans ce sac, ayant les pieds et la tête en dehors, et je m’y endormais sur la terre froide et humide. Il y a eu des temps où la gelée m’avait tellement fendu les mains, que j’aurais pu placer dans les crevasses une plume aussi grosse que celle avec laquelle j’écris maintenant.

Nous n’avions pas une allocation de nourriture régulière. Nos aliments se composaient de farine grossière et bouillie qu’on appelait mush. On la versait dans une espèce de grande auge de bois qu’on mettait à terre. Puis on appelait les enfants, comme on appelle les pourceaux, et ils accouraient comme autant de petits cochons pour dévorer le mush ; ceux-ci avec des coquilles d’huîtres, ceux-là avec des cailloux, quelques-uns avec les mains seulement, mais pas un seul avec une