Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/80

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sés par la fortune, qui avaient quitté leur patrie pour aller en Afrique, nous avaient volés de vive force, entraînés loin des lieux de notre naissance, et réduits à l’esclavage sur une terre étrangère. Je ne les envisageais qu’avec dégoût et horreur, comme les plus vils, aussi bien que les plus méchants des hommes. Pendant que je lisais et que je réfléchissais à ce sujet, chose frappante ! le mécontentement que M. Hughes avait prédit comme une conséquence inévitable, si j’apprenais à lire, était déjà venu ! Il me tourmentait le cœur, il le perçait incessamment, il me causait des angoisses inexprimables. En me débattant sous le poids de ces souffrances morales, je sentais qu’en apprenant à lire, j’avais acquis une connaissance qui était pour moi un mal au lieu d’un bien. L’instruction m’avait révélé l’horreur de ma condition misérable, sans me fournir aucun remède. Elle m’avait montré l’abîme affreux où j’étais plongé, sans me donner une échelle pour en sortir. Dans l’abattement du désespoir, j’enviais à mes frères esclaves leur ignorance stupide. J’ai souvent désiré n’être qu’une brute. La condition du reptile le plus bas me paraissait préférable à la mienne. Je souhaitais un état quelconque, n’importe lequel, pourvu qu’il me débarrassât du tourment de penser. La trompette de la liberté