Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/81

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avait retenti jusque dans le fond de mon cœur et ne me laissait plus dormir. La liberté s’était montrée à moi pour ne jamais disparaître. Je l’entendais dans chaque son, je la voyais dans chaque objet. Elle était toujours présente pour me tourmenter, en me faisant sentir ma misérable condition. Je ne voyais rien sans la voir, je n’entendais rien sans l’entendre, je n’éprouvais rien sans la sentir. Elle me regardait du sein de chaque astre, elle me souriait dans chaque calme, elle mêlait son souffle à chaque vent, elle retentissait dans chaque orage.

Je me suis souvent surpris à regretter ma propre existence ; j’ai bien des fois désiré être mort. Sans l’espoir d’être libre, ou je me serais tué moi-même, ou je me serais fait tuer, par quelque acte de désespoir. Pendant que j’étais dans cet état d’esprit, j’avais toujours la plus grande envie d’entendre n’importe qui parler de l’esclavage. Comme j’écoutais alors avec attention ! De temps en temps, j’entendais un ou deux mots au sujet des abolitionnistes. Il s’écoula quelque temps avant que je comprisse ce que signifiait ce mot-là. On l’employait toujours dans des occasions qui en faisaient pour moi un mot intéressant. Un esclave avait-il réussi à s’échapper, avait-il tué son maître, avait-il mis le feu à une grange ou fait quelque chose de très-coupable, se-