Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/87

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timore le cœur accablé de douleur et en proie aux plus vives alarmes. Je pris mon passage à bord de la goëlette Wild-Cat, et après une traversée d’environ vingt-quatre heures, je me trouvai près du lieu de ma naissance. Il y avait près de cinq ans que j’en étais éloigné, mais je m’en souvenais très-bien. Je n’avais qu’environ cinq ans à l’époque où je l’avais quitté pour aller demeurer avec mon ancien maître sur la plantation du colonel Lloyd ; de sorte que j’avais alors entre dix et onze ans.

On nous rangea tous ensemble lorsqu’il s’agit de procéder à l’estimation. Hommes et femmes, vieux et jeunes, mariés et non mariés, tous furent rangés pêle-mêle avec les chevaux, les brebis et les cochons. Oui, on y voyait à la fois des chevaux et des hommes, des bêtes et des femmes, des cochons et des enfants, comme si tous eussent occupé le même rang sur l’échelle des êtres ; et tous furent soumis à l’inspection la plus minutieuse : ni la vieillesse en cheveux blancs, ni la gaîté de la jeunesse, ni l’innocence des jeunes filles, ni la pudeur des mères de famille, n’échappèrent à l’indélicatesse révoltante de cet examen. Dans ce moment là, je vis mieux que jamais à quel point l’esclavage abrutit et l’esclave et le propriétaire.

Le partage succéda à l’estimation. Je ne puis