Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trouver aucuns termes pour exprimer l’extrême agitation et la profonde inquiétude qui régnaient parmi nous, pauvres esclaves, pendant le cours de cette opération. Notre sort pour la vie allait être fixé ! Nous ne pouvions pas plus intervenir dans cette décision que les brutes parmi lesquelles on nous avait rangés. Un seul mot prononcé par un blanc suffisait pour séparer à jamais, contrairement à tous nos désirs, à nos prières, à nos supplications, les amis les plus tendres et les parents les plus chers, pour briser les liens les plus forts qui puissent attacher les hommes les uns aux autres. Outre la douleur d’une séparation, il y avait encore la crainte et l’horreur de tomber entre les mains de M. André. Nous le connaissions tous pour un monstre de cruauté et pour un vil ivrogne, qui avait déjà consumé une grande partie de la fortune de son père par son insouciance, sa dissipation et ses folies. Nous sentions tous qu’autant valait être vendus de suite aux marchands de la Géorgie, que de tomber entre ses mains ; car nous savions que nous ne pourrions échapper à cette destinée, et nous n’y pensions qu’avec l’horreur et la consternation la plus inexprimable.

J’étais dévoré d’une inquiétude bien plus grande que celle de mes compagnons. Moi, j’avais éprouvé