Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/97

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car le second nous paraissait aussi légitime que le premier. Pauvres misérables ! il est arrivé bien des fois que nous mourions presque de faim, lorsqu’en même temps une grande quantité de nourriture se moisissait dans le garde-manger. Notre pieuse maîtresse le savait bien ; cependant cette maîtresse et son mari s’agenouillaient tous les matins et priaient Dieu de leur donner l’abondance.

Quelque méchants que soient les propriétaires, on n’en voit que rarement un qui soit privé de tous les traits de caractère qui attirent le respect. Cependant mon maître était de cette espèce rare. Je n’ai jamais entendu parler d’une seule action généreuse qu’il eût faite. L’avarice était ce qu’il y avait de plus saillant en lui, et les autres penchants (s’il en avait) étaient tous assujettis à celui-là. Il était avare ; et, comme les ladres, il n’avait pas le talent de cacher sa lésinerie. Le capitaine Auld n’était pas né propriétaire d’esclaves. Il avait été pauvre, ne possédant qu’un petit bateau à voiles, qui allait d’un point de la baie à l’autre. C’était par son mariage qu’il était devenu possesseur des esclaves qu’il avait : or, de tous les hommes, il n’y en a pas un qui soit pire propriétaire que celui qui le devient par adoption. Il était cruel, mais poltron. Il ordonnait sans fermeté. Dans sa manière de faire exécu-