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effroi comme un homme qu’on aurait porté endormi dans une île déserte effroyable et qui se réveillerait sans con naître où il est, sans moyen d’en sortir ». Où trouver un appui contre un tel désespoir ?

Pascal, à cette époque, a l’esprit tout occupé du calcul des probalités ; il vient de résoudre le problème des partis. c’est-à-dire le partage mathématique des enjeux entre deux joueurs qui interrompent leur jeu avant la fin. Son angoisse ira chercher là une réponse.

Dieu est ou n’est pas, la question dépasse notre raison, la probabilité est la même dans le sens affirmatif que dans le sens négatif. Parions, « croix ou pile ». D’un côté, c’est le fini à hasarder, car une vie, si heureuse qu’elle soit, est limitée ; de l’autre, c’est l’infini à gagner. Nous risquons, à chances égales, quelques années contre l’éternité. C’est donc pour l’existence de Dieu qu’il faut parier.

Pascal reconnaît que cette preuve est toute indirecte et négative. Mais les mathématiciens peuvent-ils prouver qu’il y a un infini ? Pourtant ils raisonnent sur l’infini avec certitude. Il leur suffit de savoir qu’il est faux que la série des nombres soit finie. En mainte occasion, nous sommes sûrs sans comprendre. C’est de cette manière que Pascal sait que Dieu est.

De toutes les lignes qu’une main d’homme ait jamais tracées, il en est peu qui aient provoqué autant de controverses que celle où se trouve exposé le pari fameux. Savants et philosophes ont dénoncé cet abus de l’infini en des matières qui ne comportent pas de mesures et qui, si elles en comportaient, n’auraient pas de commune mesure. Et quel injustifiable postulat que cette probabilité égale entre l’affirmative et la négative ! Quand on tire au hasard une carte dans un jeu de cinquante-deux cartes, l’as de cœur va-t-il ou non sortir ? Entre cette affirmative et cette négative ma raison ne peut décider, et cependant la probabilité pour que l’as sorte est bien plus faible que la probabilité inverse. Or à quel Dieu croirai-je ? A celui des Chrétiens ? des Turcs ? des Philosophes ? Suivant que je croirai à l’un ou à l’autre, ne me faudra-t-il pas agir différemment pour