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gagner cet infini que vous me promettez ? En réalité, c’est entre une infinité de croyances possibles que ; je suis contraint de choisir.

Toutes ces objections sont fondées et valent plus que le raisonnement lui-même. Mais, ce qui demeure de ce raisonnement, c’est son caractère dramatique, c’est le ton impérieux et comme tragique du dialecticien. A l’infini courent la rouge et la noire. « Parions. — Je ne veux pas, maître, la vie est si douce, je me refuse à ce jeu inhumain. — Il faut parier ; vous êtes embarqué ; chacun de vos actes est un choix. » N’est-ce pas à lui-même que Pascal com mande, à sa raison orgueilleuse, à ses passions rebelles ? Lutte douloureuse qui dure des mois, où il est comme sus pendu dans le vide « entre le monde que son pied repousse et Dieu qui ne l’appelle pas encore ». Lutte qui se termine en cette nuit d’extase du 23 novembre 1654 où le Christ aux bras étroits de Jansénius le prend tout entier.

Dès lors, Pascal déserte « l’esprit » pour « la charité », laquelle, dépasse l’esprit autant que celui-ci dépasse le corps. Rien ne vaut que de se fondre en Dieu par l’amour. Auprès du problème de notre destinée, quelle vanité que ceux dont s’amuse la curiosité scientifique ! Nous cherchons passionnément une base où dresser une orgueilleuse Babel ; mais toute base s’effondre et la terre s’ouvre jusqu’aux abîmes. Non qu’il s’agisse d’anéantir la raison, Pascal l’affirme expressément, il s’agit de la maintenir dans ses limites. « Deux excès, s’écrie-t-il, exclure la raison, n’admettre qu’elle. La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle n’est que faible si elle ne va jusque là. » Les mathématiques elles-mêmes ne doivent plus être, aux yeux de Pascal, qu’un essai, non un emploi, de nos forces. Et lors même que les nombres permettraient de démonter l’existence de je ne sais quelle divinité insensible et abstraite, quel secours y trouverait-il ? S’il se décide à