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Page:Fabié - Œuvres, Poésies 1892-1904, 1905.djvu/24

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Pour sièges, deux bancs faits des deux moitiés d’un hêtre ;
Vers le haut bout, toujours au même endroit, le Maître
Près du vaste tiroir trône, superbe et doux,
Et mange gravement et voit manger son monde,
Verse à boire quand il convient, coupe à la ronde
Le morceau de pain brun ou blond qu’il faut à tous

Il parle, et l’on se tait ; il se fait rendre compte
Des labours, des moissons, des marchés, de la tonte,
Des décès et du croît des bêtes, approuvant
Ou critiquant, donnant des ordres qu’on révère ;
Puis, fermant son couteau, vidant un dernier verre,
Il renvoie au travail sa troupe — en se levant.

Mais la place — eux partis — ne demeure point vide ;
Le vacher en retard, le vagabond avide,
Le tout-petit qui dit : « J’ai faim ! » en s’éveillant,
Et qui péniblement escalade sa chaise.
S’approchent un par un de la table où s’apaise
Une heure le vautour qui nous ronge le flanc…