Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/26

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faire de courir après et luy firent changer sa marche, j’en suis inconsolable. Deux de mes fouriers à cheval poursuivirent cette Bête pendant près d’une demie heure, toujours prêts à la sabrer, et si près qu’ils ne voulurent pas se servir de leur carabine ny de leurs pistolets, mais il se trouva un marais impraticable, où ils ne purent passer à cheval et furent obligés d’abandonner l’animal qui gagna les bois. L’espoir de retrouver cette Bête dans la partie où je la laissois à la nuit me fit prendre le partie de coucher avec ma troupe sur la paille afin d’être plus à même de recommencer ma chasse.

« Je fis en conséquence commander trois paroisses où j’envoyai les ordres toute la nuit, tout ce monde se rendit bien exactement. Mais une pluie affreuse qui n’a pas discontinué depuis la pointe du jour jusqu’à six heures du soir m’a enfin forcé de rentrer sans me permettre de chasser.

« Je revins au village où étoit mon maréchal-de-logis de garde auprès du cadavre, et qui y avoit passé deux nuits sans apercevoir la bête qui y revenoit bien, mais que des paysans détournèrent maladroitement. Enfin, après avoir remis le cadavre entre les mains des parents pour qu’ils puissent le faire enterrer je rentrai icy pour y laisser reposer aujourd’huy ma troupe et luy donner le temps de nétoyer ses armes que la pluie a mouillées. Quoique je sois inconsolable de n’avoir point tiré cette bête que j’aurois bien sûrement maintenant si les dragons fussent restés à leur place, j’espère toujours en voir la fin ; donc, je me remets demain en chasse, peut-être serai-je plus heureux, je le désire bien sincèrement, je n’y épargne au moins ni soins ni peine, et je commande une troupe dont je ne saurois trop louer le zèle et la bonne volonté.

« D’après les ordres que vous avez bien voulu donner, M., dans votre généralité, je ne doute pas que je ne sois informé sur-le-champ, par des avis sûrs, si ce cruel animal y passait et je m’y porterais avec toute la diligence possible.

« J’ai l’honneur…

« Signé : Duhamel[1]. »

  1. Archives du Puy-de-Dôme. C. 1731 Doc. inédit.