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Robinson de la démocratie, au milieu d’un groupe de Vendredis. Chaque matin, il se levait de mauvaise humeur parce que Victor-Emmanuel ne le faisait pas demander pour prendre Rome ou Venise. Il se plaignait de ce qu’on retenait son bras victorieux. Lorsqu’il a eu ses coudées franches, que n’a-t-il pris Venise avec les dents ? Le premier choc de ses volontaires avec les troupes autrichiennes n’a pas été brillant et a mis fin, il faut l’espérer, à l’épopée garibaldienne, dont les gens d’esprit riaient depuis longtemps sous cape, mais que les badauds des deux mondes prenaient encore au sérieux.

La fortune de la guerre a tourné contre l’Autriche. Le canon rayé l’avait vaincu en Italie, le fusil à aiguille l’a vaincu en Bohême. Venise appartient à l’Italie, qui triomphe en 1866 par les armes de la Prusse, comme elle avait triomphé en 1859 par les armes de la France.


La première semaine de juillet est consacrée, de temps immémorial, à couronner le mérite naissant et à récompenser les succès de la jeunesse studieuse en lui distribuant la collection Maine ou Lefort. On ne rencontre par les rues que des pères pliant sous le poids des lauriers remportés par leurs filles, et des mères inquiètes escortant au bateau ou à la gare les malles en désordre de leurs fils.

Rien qu’à l’air des familles, on devine si les enfants ont eu des prix. Le père dont l’héritier a fait le bourgeois toute l’année, s’en retourne la mine renfrognée, tandis que l’indigne objet de ses tendres soins gambade devant lui, pressé de secouer les souvenirs du collège et de goûter les plaisirs de l’indépendance, tout à fait consolé d’avoir été le dernier de sa classe par la pensée de monter, matin et soir, la jument grise de son parrain. La mère jette des regards furieux sur les jeunes filles qui passent, emportant leurs couronnes, et critique leur toilette pour diminuer l’éclat de leur triomphe.