Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/99

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était pris, nous nous empressâmes d’illuminer. La fête fut splendide. Cependant lorsqu’enfin la nouvelle authentique de la chute du boulevard russe nous parvint, nous eûmes, malgré l’ardeur de nos désirs, quelque peine à rallumer nos lampions.

La guerre d’Italie ne trouva pas parmi nous la même unanimité d’opinions. À coup sûr, la perspective de voir une terre glorieuse et chère au monde entier rendue à la liberté par la France, n’avait d’abord rien que de séduisant ; mais la vue du Piémont nous gâtait cette perspective. La pensée que ce petit pays ambitieux allait hériter des conquêtes faites par les armes françaises, la crainte que le trône du Saint-Père ne ressentît le contre-coup de la chute des trônes des autres princes italiens, refroidissaient la sympathie que nous ressentions pour la délivrance de l’Italie.

Cette fois-ci, nous étions tout-à-fait Autrichiens, aussi Autrichiens que François-Joseph. Nous admirions ce grand empire qui avait pleine confiance en ses forces, qui osait résister à la pression diplomatique de la France, de la Russie et de l’Angleterre, et attendre de pied ferme la Prusse et l’Italie. Il nous semblait que Benedeck allait conduire les vieilles légions impériales à quelque grande victoire qui ferait rentrer dans ses frontières la Prusse domptée. Il nous tardait de voir Victor-Emmanuel recevoir sur le champ de bataille, en face du monde, la leçon sanglante qu’il méritait.

De tous les héros que notre époque a acclamé, le plus plaisant à coup sûr est Garibaldi. Ce Jérôme-Paturot belliqueux croit être le libérateur de l’Italie ; il s’imagine avoir fait la conquête du royaume de Naples, tout comme Alexandre Dumas se figure avoir fait la révolution de 1830. Il passait la moitié de son temps dans l’Île de Caprera à écrire des lettres à des dames anglaises qui lui demandaient des morceaux de sa chemise rouge. Il aurait dû donner pour excuse qu’il boitait encore afin de ne pas sortir de son île, où il jouait au